Notre rapport au travail est en train changer : nous voulons avoir plus de temps libre, quitte à gagner moins d’argent. 25% des actifs ont fait une reconversion ces 5 dernières années et l’usage du CPF a explosé conduisant la Caisse des Dépôts et de Consignation à repenser la distribution des fonds. Parallèlement, les phénomènes de « Quiet Quitting » et « Act Your Wage » deviennent des mantras parmi les salariés de la génération Z.
Mais que se passe t’il ? Le temps où l’on faisait carrière dans la même entreprise semble appartenir à un autre âge. Et loin de vouloir me ranger derrière la collapsologie, je pense que nous sommes en train d’aborder une transition majeure dans nos sociétés destinée à renforcer notre résilience face aux défis futurs. Pour le moment, nous traversons une crise spirituelle.
Qu’est ce qu’une crise spirituelle ?
Philipp Rieff, sociologue américain, décrit la crise spirituelle comme une situation où les valeurs et les croyances traditionnelles sont remises en question, ce qui peut entraîner une confusion et un manque de direction morale. Selon lui, ces crises peuvent survenir lorsque les institutions religieuses et morales ne répondent plus aux besoins et aux attentes de la société.
Pour Otto Scharmer, professeur de gestion à la MIT Sloan School of Management, la crise spirituelle est plutôt une « crise de la présence ». Il soutient que nous vivons dans une société qui est de plus en plus distraite et déconnectée de l’expérience présente, ce qui nous empêche de voir les opportunités pour un avenir meilleur.
Selon Scharmer, la crise spirituelle se manifeste aussi par un manque de sens et de direction, un manque de compassion et d’empathie, et un manque de capacité à agir de manière efficace pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux. Il prône une pratique de la présence consciente qui permette de se connecter à soi-même, aux autres et à l’environnement, pour pouvoir agir de manière efficace pour résoudre les crises actuelles.
Cette vision de Scharmer, c’est un peu ce que nous sommes en train de vivre avec beaucoup de violence avec la réforme des retraites : un manque d’empathie depuis les plus hautes sphères du Pouvoir et un manque de solidarité pour ceux qui ont des carrières fracturées et des métiers pénibles. Comment dans ce contexte, donner aux Français l’envie de s’investir pleinement dans leur travail ?
Quelles sont les conséquences d’une crise spirituelle à long terme ?
Si cette crise spirituelle perdure, il est possible qu’elle ait des conséquences à long terme sur les individus, la société et l’environnement.
- Une augmentation de la désintégration sociale et de la violence, due à un manque de compassion et d’empathie envers les autres : D’ailleurs le milieu hospitalier et médical fait déjà les frais de cette violence, l’école publique et les institutions sociales ne sont pas en reste non plus.
- Une augmentation de la dépression, de l’anxiété, du stress, de la désillusion et de l’isolement, qui peuvent avoir des conséquences graves sur la santé mentale et physique.
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, la santé mentale des français déclinent : 18% des français montrent des signes d’un état dépressif, 26% des française montrent des signes d’un état anxieux, 71% des français déclarent des problèmes de sommeil au cours des 8 derniers jours… Je vous laisse découvrir l’enquête de santé publique de CoviPrev (12-19 septembre 2019)
- Une perte de confiance en l’avenir et de la capacité de l’humanité à résoudre les problèmes sociaux et environnementaux.
- Une augmentation des comportements destructeurs comme l’addiction, la consommation excessive, le rejet de la nature et de la vie communautaire.
- Une augmentation de la pollution, de la destruction de l’environnement et de la crise climatique, due à un manque de respect et de responsabilité envers l’environnement.
- Une baisse de la solidarité et de l’entraide, qui peut entraîner une augmentation des inégalités sociales et économiques.
Quels sont les remèdes à la crise spirituelle ?
Changer semble être le remède à la fois le plus simple et le plus impossible tant nous sommes attachés à nos croyances, notre confort et notre sécurité matérielle. Pourtant les ressources terrestres ne sont pas inépuisables et la colère de la rue ne pourra pas être étouffée indéfiniment. Un changement s’impose et doit être porté d’abord par l’individu, puis par le collectif pour pouvoir atteindre tous les systèmes organisationnels.
David Korten, écrivain et militant américain a développé le concept d’économie du bien-être. Selon lui, l’économie actuelle est axée sur la croissance illimitée, ce qui entraîne des déséquilibres économiques, sociaux et environnementaux. Il soutient que pour résoudre ces problèmes, il est nécessaire de créer une nouvelle économie qui soit axée sur le bien-être des individus et de la communauté, plutôt que sur la croissance économique.
L’économie du bien-être se concentre sur la création de communautés durables et résilientes qui satisfont les besoins économiques, sociaux et environnementaux de leurs membres. Il met en avant l’importance de la coopération, de la solidarité et de la participation locale pour réaliser cet objectif. Il préconise aussi une réforme des systèmes financiers et monétaires pour favoriser les entreprises et les initiatives qui favorisent le bien-être commun.
Il croit également que pour créer une économie du bien-être, il est important de remplacer l’économie de marché dominante par une économie de partage, basée sur des valeurs de coopération et de solidarité. Il pense que cela permettrait de réduire les inégalités économiques, de lutter contre la pauvreté et de protéger l’environnement.
Cela peut sembler utopique ou idéaliste mais c’est justement l’objet des entreprises de l’économie sociale et solidaire qui cherchent à concilier solidarité, performances économiques et utilité sociale. L’ESS représente 2,6 millions d’emploi dont 1 emploi sur 10 dans l’ensemble de l’économie et 1 emploi sur 7 sans le secteur privé.
Mais alors, comment transposer ces valeurs dans l’entreprise public et le secteur privé ?
Les dirigeants, les chefs d’entreprise, les leaders associatifs ou politiques ont évidemment un rôle fondamental à jouer dans cette transformation. Il est assez clair que le leader d’une entreprise transmet les valeurs de celle-ci en montrant l’exemple.
S’il s’est libéré des pièges de son égo (pouvoir, cupidité, avidité, cynisme, égoïsme), il peut bâtir une confiance solide avec ses équipes et son écosystème professionnel en montrant sa vulnérabilité. Il sait communiquer avec authenticité et écouter son environnement avec attention. Il sait se connecter aux autres et faire preuve d’empathie.
Il peut récupérer une énergie insoupçonnée en se libérant des automatismes de son ego.
On reconnaît un véritable leader au nombre de leaders qu’il a contribué à révéler à eux-mêmes. A la crise spirituelle, il faut une remède spirituelle et donc un nouveau leadership spirituel.